Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour avoir accepté cette interview. Vous me faites vraiment un grand honneur et je suis ravie de pouvoir m’entretenir avec vous à propos de votre roman « L’homme en bas de chez elle » pour qui j’ai eu un énorme coup de cœur !
- Commençons par une question qui n’a cessé de me trotter dans la tête : Comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce roman ? En effet, il aborde des sujets assez difficiles, choquants, dissimulés, tabous que sont les Guerres d’Afrique, le peu d’aide humanitaire apportée, le détournement financier des politiciens durant ces conflits, le SIDA, les viols, la malnutrition, etc.
Pour en venir à la dissimulation d’informations, elle est permanente dans notre pays. J’ai assisté au Venezuela (place Altamira à Caracas pour être précise) à une tuerie organisée par le gouvernement Chaviste (Hugo Chavez), relatée de manière totalement déformée, le soir même par Claire Chazal. Madame Mitterrand est même venue en personne remettre une médaille au criminel qui avait tué une jeune fille de 16 ans et un garçon de 7 ans…
Alors, oui, j’en ai profité pour relater des faits avérés en Afrique. Être écrivain, je pense que c’est aussi rechercher des informations, dénoncer des agissements et témoigner. Je vais essayer de poursuivre mes investigations en parlant de l’Afghanistan.
- Votre récit se passe principalement en Afrique, notamment au travers des pages du journal intime de Mathieu. Pourquoi ce pays ? Est-ce parce que vous y avez vécu pendant quelques années, comme j’ai pu le lire ou tout simplement, car vous souhaitiez dénoncer cette dissimulation d’informations qui concerne ce continent ?
J’avais très envie d’écrire sur l’Afrique ; j’ai passé mes années de lycée au Gabon et j’ai gardé de ce continent le souvenir d’une terre de contraste ; alliant luxuriance et aridité, opulence et famine, pluies diluviennes et soleil de feu, silence et rythmes…Et, une phrase, rapportée par une amie infirmière a été le déclenchement de la genèse du personnage de Mathieu ; un SDF, un peu rudoyé, aux urgences s’était écrié « Je suis un être humain tout de même, et vous ne savez rien de moi et de mon histoire ! »
« L’homme en bas de chez elle » était né !
- Parlons maintenant du fameux journal intime. J’ai trouvé cette idée vraiment originale et parfaitement bien utilisée ! Au lieu d’avoir affaire à un personnage qui nous raconte sa vie, face à face, de but en blanc, on apprend à le découvrir au travers de quelques pages. Pages qui d’ailleurs, sont très profondes, emplies d’émotions, bouleversantes et surtout, qui paraissent plus réelles que jamais. Pourquoi ce choix ? Était-ce plus facile pour vous, pour transmettre les émotions que vous souhaitiez nous faire ressentir ?
L’idée du journal intime m’est venue surtout pour différencier deux périodes ; 2002 pour le passé de Mathieu et, de fin 2003 à 2006, pour le présent avec Marie. Je voulais aussi utiliser deux styles d’écriture ; une contemporaine, rapide, fluide, avec peu de descriptions et beaucoup de dialogues, l’autre plus lyrique, plus poétique et plus lente sur la beauté de l’Afrique, parsemée d’hypotyposes pour rendre le récit plus captivant.
Cela m’a permis, aussi, d’opposer deux types de caractères ; Marie dans la vie active, qui vit pleinement le moment présent, et Mathieu, plus compliqué, torturé et taciturne, qui vit dans ses souvenirs.
- D’ailleurs, votre roman en lui-même est un flux d’émotions. On ne cesse d’être émerveillé par les paysages que vous décrivez, ravi par la tournure que prennent les événements entre Marie et Mathieu, effrayé par le récit de celui-ci dans son journal intime, choqué de constater qu’on ne connaissait rien de cette partie de l’Histoire, apeuré de se rendre compte que notre ignorance est bien présente, les larmes aux yeux lors des visites médicales et j’en passe… Comment faites-vous pour nous parler aussi clairement ? Pour nous transmettre autant de choses sans que l’on se sente gavé pour autant, perdu, désemparé. À mes yeux, il y a une réelle correspondance entre vous et votre lecture.
J’écris en visualisant le film de ce que je décris, comme un travelling. Au fur et à mesure, des images me traversent l’esprit et je me contente de relater le plus précisément possible ce que je vois, je cherche à ressentir une émotion (je peux même me provoquer de la tachycardie ou avoir les larmes aux yeux). Si je n’éprouve rien, alors je trouve ça mauvais et je jette le texte, mais cela reste très subjectif à ma façon de percevoir les choses.
- Ce qui m’a le plus marqué au sein de votre récit c’est vraiment la réalité des faits. Ou tout du moins, le semblant de réalité que vous laissiez entendre. J’avais l’impression que tout ce que je lisais faisait part de la vie réelle, les détails sont si nombreux que chaque contenu se visualisait parfaitement bien dans mon esprit et que ça en coulait même de source ! C’est impressionnant la façon dont vous avez de détailler les scènes au sein de l’hôpital, des opérations, des cas d’urgence, etc. Vous êtes-vous renseignée pour pouvoir en parler aussi bien ? Pour décrire aussi parfaitement chaque scène, chaque épisode médical ?
J’ai travaillé en milieu hospitalier (mon mari est médecin au SAMU), et j’aime observer : les gens, les ambiances et les ambivalences, les difficultés de notre système de santé. J’ai assisté à des opérations et j’ai vécu à Mayotte, avec l’expérience des hôpitaux de brousse (on découvre dans ces dispensaires, des maladies et des plaies que l’on ne voit plus dans nos pays où le soin est accessible à tous). Je lis, aussi, énormément d’articles médicaux, et j’ai visionné des opérations, notamment à cœur ouvert, sur internet.
- Place à Marie, la charmante Marie. Droite, bien rangée dans sa vie, pétillante, douce comme un agneau mais pas si naïve et crédule que ce que l’on pourrait penser ! Vous représente-t-elle ? Comment est venue sa naissance ?
Il y a forcément un peu de moi chez Marie, comme il y a un peu chez Claire… À vrai dire, nos personnages nous échappent… Je ne sais pas vraiment à l’avance quel va être leur caractère, ils correspondent à une situation à un moment donné. Marie est dans l’aide aux autres, ce qu’elle répond dans les dialogues me semble évident, mais la carrière hospitalière ne lui fait pas prendre de risque avec sa vie, contrairement à Claire qui est plus indépendante, intrépide. Elle brave les dangers en tant que journaliste reporter, donc elle est plus égoïste et plus dure.
- Si vous deviez décrire la relation entre elle et Mathieu, qu’en diriez-vous ? Personnellement, ils m’ont fait rire, devenir folle d’impatience, ils m’ont souvent perdu en cours de route car il ne faut pas se mentir… ils sont très chien et chat… !
Pour Marie, c’est un véritable coup de foudre, elle est presque obsédée par Mathieu, au risque de se perdre. Mais, ce n’est pas pour autant qu’elle se laisse faire, car elle est intelligente et quelque part elle n’est pas dupe. Finalement, je crois que ce jeu de ping-pong ne lui déplaît pas ; le pire est l’indifférence, en cherchant la confrontation, Mathieu lui prouve qu’il n’est pas insensible.
Mathieu est un écorché vif, l’amour de Marie lui fait peur, donc il tente de l’éloigner en étant odieux et cynique. Au départ, il ne ressent pas la même attirance que Marie pour lui, car il est trop centré sur lui-même, ensuite, ce qu’il éprouve lui fait peur et il préfère la tenir éloignée pour ne pas la faire souffrir, et pour se protéger. C’est un personnage beaucoup plus complexe avec un lourd passé.
La psychologie masculine est différente de la psychologie féminine, il est difficile de faire des généralisations, mais si l’homme est davantage dans la protection (physique et matériel), il est aussi souvent plus égoïste. C’est un paradoxe que j’aime utilisé dans l’élaboration de mes personnages masculins, même si je crée des nuances, Andoni est très différent de Mathieu.
Pour les trois dernières questions, je vais aborder des sujets un peu plus personnels, on va se détacher du roman en lui-même afin que les lecteurs en apprennent davantage sur vous !
Adolescente, je n’ai jamais écrit de journal intime, mais une multitude de poèmes et de petites nouvelles dont il ne me reste pas grand-chose… J’ai posé sur le papier le drame de ma vie, mais lors d’une inondation le récit a péri noyé, et c’est tant mieux. Je me suis toujours raconté des histoires, commencé bien des livres, mais c’est à la suite du film « La rançon » avec Mel Gibson que j’ai réellement eu envie d’aller jusqu’au bout de l’aventure.
Ce film, qui relate la prise d’otage d’un enfant, montre que les scénarios sont souvent montés autour des ravisseurs ou des personnes qui se battent pour récupérer l’otage, mais, dans les deux cas, on ne parle pas du ressenti et du vécu du captif. C’est en m’appuyant sur mon expérience professionnelle (psychologue spécialisée dans le syndrome de stress post-traumatique) que j’ai écrit mon premier roman, « Éclipse de vie », en 2010.
Éclectique dans mes lectures, je n’ai pas vraiment de genre de prédilection… Je peux passer de « Twilight », aux « Bienveillantes » de Jonathan Littell, d’« After » ou « 50 nuances de Grey» (vraiment horriblement mal écrit !!!) à « 2084» Boualem Sansal et de « Soumission » d’Houellebecq au « Siècle » de Ken Follett.
Je lis tout ce qui me tombe sous la main. Peut-être que ce j’aime le moins c’est les thrillers… dont la fin est souvent télescopée et les personnages pas très attachants. Avant tout, il faut qu’un livre m’apporte de l’émotion.
Sortie de parloir : une bibliothécaire à Fleury-Mérogis tombe amoureuse d’un détenu qui va l’entraîner dans de tumultueuses aventures…
- Que vous apporte l’écriture ? Sachant que ce n’est pas votre premier métier, la considérez-vous comme une passion ou comme une profession ? L’écriture est une véritable passion addictive. Je pense qu’elle m’apporte la même émotion que celle de lire ou d’aller voir un bon film et dès que je dispose d’un moment sans activité (passagère dans une voiture, voyage en avion, endormissement) j’élabore des scénarios… D’où vous vient cette envie d’écrire, de transmettre ? Est-ce une envie de toujours ou est-ce arrivé subitement, suite à un événement autre ?
Adolescente, je n’ai jamais écrit de journal intime, mais une multitude de poèmes et de petites nouvelles dont il ne me reste pas grand-chose… J’ai posé sur le papier le drame de ma vie, mais lors d’une inondation le récit a péri noyé, et c’est tant mieux. Je me suis toujours raconté des histoires, commencé bien des livres, mais c’est à la suite du film « La rançon » avec Mel Gibson que j’ai réellement eu envie d’aller jusqu’au bout de l’aventure.
Ce film, qui relate la prise d’otage d’un enfant, montre que les scénarios sont souvent montés autour des ravisseurs ou des personnes qui se battent pour récupérer l’otage, mais, dans les deux cas, on ne parle pas du ressenti et du vécu du captif. C’est en m’appuyant sur mon expérience professionnelle (psychologue spécialisée dans le syndrome de stress post-traumatique) que j’ai écrit mon premier roman, « Éclipse de vie », en 2010.
- En tant que lectrice et auteure, quels sont vos genres de prédilections, ceux que vous affectionnez tout particulièrement ? Pourquoi ?
Éclectique dans mes lectures, je n’ai pas vraiment de genre de prédilection… Je peux passer de « Twilight », aux « Bienveillantes » de Jonathan Littell, d’« After » ou « 50 nuances de Grey» (vraiment horriblement mal écrit !!!) à « 2084» Boualem Sansal et de « Soumission » d’Houellebecq au « Siècle » de Ken Follett.
Je lis tout ce qui me tombe sous la main. Peut-être que ce j’aime le moins c’est les thrillers… dont la fin est souvent télescopée et les personnages pas très attachants. Avant tout, il faut qu’un livre m’apporte de l’émotion.
- Et la petite dernière… Si vous deviez décrire votre prochain roman en 3 mots, quels seraient-ils ?La suite de l’homme en bas de chez elle ; sur le chemin de l’Afghanistan…
Sortie de parloir : une bibliothécaire à Fleury-Mérogis tombe amoureuse d’un détenu qui va l’entraîner dans de tumultueuses aventures…