Je t'écris depuis mon lit, emmitouflée dans ma couette, bien au chaud tandis que toi, Alep...
Je ne vais pas te mentir. Je suis le genre de personne qui a du mal à se rendre compte de l'horreur de certaines choses. Non pas parce que je suis insensible face à cela, bien au contraire. Mais plutôt parce que je refoule tellement ce que je perçois, ce que je ressens, ce que je comprends au quotidien qu'à force, j'en deviens presque comme anesthésiée. Mais Alep, ne t'inquiètes pas, cette anesthésie ne dure qu'un temps.
Oui, j'ai beaucoup entendu parler de toi ces derniers jours. Je t'assure ! J'ai tendu l'oreille, j'ai lu des articles de grands journaux, j'ai regardé les infos (alors que je ne leur fais pas vraiment confiance !) encore et encore, j'ai parlé de toi avec pleins de personnes et pourtant, pourtant je n'avais jamais réellement compris jusqu'à maintenant.
Ce soir, j'ai vu l'horreur complète au travers d'un reportage choc. Ce reportage qui m'a retourné les tripes de fond en comble, ce reportage qui m'a fait versé des larmes jusqu'à en suffoquer, ce reportage qui m'a donné ce coup de pied aux fesses. On m'a dit d'éteindre la télé, de regarder autre chose mais non, j'ai refusé. Refusé de fermer les yeux encore une fois, refusé de me mettre des oeillères et de me conforter dans l'idée que "ça va passer". Parce qu'avec ce que j'ai entraperçu (on ne peut dire que l'on voit réellement les choses dans ces moments-là) j'ai l'impression que tout ceci n'est pas prêt de s'arrêter.
Malgré tout, au fond de moi (tu sais, cette petite partie naïve qui persiste en nous, cet espoir) j'espère que tu connaîtras la paix, le calme, le cessez le feu. Cette paix qui te permettra de renaitre de tes cendres tel un Phoenix, sans pour autant oublier.
Ton sol, ton air, tes murs, ta mémoire seront à jamais remplis de cette horreur, de ces morts, de cette cruauté sans nom.
Alep, du haut de mes petits 21 ans, je ne peux faire grand-chose pour toi et c'est sans doute cela qui me tourmente le plus. Le fait de me sentir aussi impuissante face à tes cris de SOS, face à tes appels incessants qui ne demandent que de l'aide. La culpabilité qui me ronge tout au fond quand je me dis que je vais fêter Noël, être gâtée, manger plus qu'à ma faim, éclater de rire, danser, chanter, boire, dormir d'un profond sommeil tandis que toi, tu connaîtras encore ce froid, cette incertitude, cette peur constante, ces hurlements.
Oui, c'est injuste Alep, c'est cruel j'en suis bien consciente. T'écrire tout cela me fait davantage prendre conscience de ce que tu subis et de la chance que nous avons de vivre au sein d'un pays qui se maintient à ce niveau pour le moment.
Ma chère Alep, ce petit article peut te paraître ridicule mais sache qu'il m'aide toutefois à te parler et peut-être que tu entendras cette voix de plus qui s'est unie à toi et qui te dis "Tu n'es pas seule". Par une simple pensée je suis là, nous sommes là pour toi. Si toutes nos voix s'unissaient on pourrait faire bouger les choses, on pourrait créer ce séisme qui ébranlerai enfin les choses.
Je prie du plus profond de mon âme pour tes femmes, pour tes hommes et pour tes enfants.